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DIEU NE JOUE PAS AUX DÉS AVEC L'UNIVERS
5 mars 2008

Cloverfield ou L'Amérique a perdu la tête !

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Le sens de la mort. L’impasse. Brian de Palma.

 

Ex-taulard, le héros périt dès l’ouverture. Qui l’a tué ? Pourquoi ? Carlito, allongé sur une civière, regarde une affiche pour un voyage à l’autre bout du monde. Rêve. Agonie.
Carlito se remémore ce qui l’a mené dans les couloirs de l’hôpital : sa sortie de prison, l’impossible chemin vers la rémission, contre la bêtise animalière des bandes, le poids des amitiés gênantes. Le cœur du métrage voit les bonnes intentions de Carlito foulées aux pieds : il est rattrapé par son passé. Un ancien rival l’assassine.
De retour sur cette civière où l’on meurt plusieurs fois, Carlito vole. La mort n’est plus pesante mais légère, plus prison mais libération. Dans un dernier geste, il tourne la tête et regarde la fameuse affiche de l’agence de voyage où, sur fond de soleil couchant, la silhouette de femme qui était resté figée au début du film, se met, comme par enchantement, à danser. A ses côtés, une ombre d’enfant s’anime. De la bossa-nova dans le roulement des vagues.
La mort a un sens : le sens du rythme.

 

La mort du sens. L’impasse Cloverfield. Matt Reeves. Juchés dans le dernier hélicoptère de sauvetage, les trois rescapés observent les flammes engloutir le monstre. Le spectateur ne regarde, en réalité, que la vidéocassette de ce qui a été filmé par l’un des personnages. Il est témoin comme on l’est d’un crime.
Soudain, la gueule du monstre surgit des cendres. Alarme. Tout tourne. On ne voit plus rien. Les cris sont étouffés par la vitesse de la chute. Le sol se rapproche dans un mouvement monotone. Tout tremble ! Puis rien. C’est la mort. La caméra s’est arrêtée.
Si la caméra s’arrête avec la vie, c’est qu’elle est la vie et que la vie ne dure que deux heures.

 

C’est le privilège de l’art de vous laisser assister à la mort du héros auquel vous vous étiez identifié. Les larmes puis la distance. Sa mort prend sens, dans sa vie, dans celle d’un autre, ou dans la dramaturgie. Contre la faiblesse de la vie dans laquelle personne n’a la chance de se voir mort, l’art est l’au-delà rassurant de l’histoire contée.
Dans Cloverfield, avatar monstrueux du film-reportage, c’est le contraire. Aucune transcendance ne vient couvrir la mort d’un linceul de sens. La mort effraie sans que rien ne puisse venir rassurer.
À quoi bon l’art, si c’est pour répéter le réel ?

 

J’ai peur de la mort. L’art est ma religion. Je lis comme on prie, pour trouver des signes d’une vie après la mort, d’une vie après le livre.
Je ne cacherais pas le caractère particulièrement personnel de la critique que je fais à cette super-production d’un genre « un peu » nouveau. J’ai ressenti un choc violent lors de la scène de l’hélicoptère, ainsi qu’à la fin du film. Pourquoi ?

 

Dans ma jeunesse, je ne ressentais, face à l’œuvre d’art, ni distanciation, ni moralisation. Plus tard, mes sens émoussés m’éloignèrent des émotions les plus pures, et je pouvais voir les pires films sans ressentir d’émotions excessives ou désagréables. On donna le départ de la grande course à l’émotion : je cherchais les films les plus terribles pour ressentir ne serait-ce qu’une petite émotion. Je n’avais pas de réticences quant à la nature de l’émotion en question : plaisir, déplaisir. Aucune différence. Avidité du ressentir.

 

Comment est-il possible qu’un enfant puisse soutenir la vue d’horreur qu’un adulte ne supporterait pas ? Simple : il n’a rien vécu. La chute en hélicoptère m’a fait pensé à mon oncle, mort dans un accident d’avion. Les morts de Cloverfield ressemblent à ces cauchemards hypnagogiques où l’on vit dix fois la mort, cœur battant, respiration interrompue. Enfant, je n’avais rien vécu. La morale n’était pour moi qu’un écho des conseils parentaux les plus ennuyeux.
Mais la morale, on ne l’a choisie pas.
Elle tombe sur vous avec l’expérience.

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Originalité de Cloverfield allan de pair avec son titre à la con : la cassette visionnée par les spectateurs a toute les apparences d'une véritable cassette, y compris sa nature de palimpseste. Les périples des héros est enregistré par dessus une ballade du couple principal à Coney Island. Au début, on les voit s'y rendre, puis est enregistré l'attaque de la bestiole monstrueuse, puis, juste après la fin du film on voit les deux amants se réjouir de leur séjour à Coney Island. C'est un parc d'attraction. La métaphore n'est pas discrète.

 

[Spoiler] -> mettre en surbrillance le texte pour le lire.

Ils viennent tout juste de mourir.

 

Le réalisme atteint par les films actuels conjugué à l'idée du fun, ça me fout la gerbe. Ces gens pensent-ils que la mort est différente au cinéma et dans la réalité ? Quel catharsis pour quel sentiment ? Je compte réfléchir à ce dérèglement de la sensibilité moderne.

 

L’art qui fait vivre les horreurs de la vie n’est pas aimé des gens qui les ont déjà vécu.

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