3/ Du polystyrène est tombé sur la ville
Il était à peine 9 heures et du polystyrène commença à tomber sur Berlin. Ce furent d’abord quelques petites boules qui ricochèrent contre le cuir de ma veste : j’en saisis une que la fente d’une poche zippée avait retenue et l’écrasais entre le pouce et l’indexe. Elle céda après cette nanoseconde de résistance qui fait tout le charme de certaines céréales du matin. Le bruit caractéristique de ce mélange d’explosion et d’effondrement interne est assez bien retranscrit par l’onomatopée « croumf ».
Ainsi devisant je continuais mon chemin le long de la Sonnenallee. Le polystyrène chutait toujours, et un feu rouge m’isola loin
de tout refuge lorsque la tempête creva pour de bon. Sur le trottoir d’en face, sous la devanture d’une boulangerie turque, une dame essayait de calmer un roquet apparemment très mécontent des conditions atmosphériques. Les aboiements de la bête retardèrent de quelques instants le réflexe que m’imposait mon instinct. En effet, quelque chose se passait en deçà de mon champ de vision et je dus baisser les yeux pour en prendre pleinement conscience : le sol s’agitait tout autour de moi. D’innombrables petites boules blanches rebondissaient sur les pavés. Leur atterrissage incroyablement rapide échappait à l’œil, laissant croire à un génération spontanée et sautillante de puces de mer polaires (ou albinos, l’effet recherché laissant de côté l’exactitude zoologique à laquelle a pu vous habituer l’auteur de ces lignes).
L’Ampelmann ou bonhomme signalétique passa au vert, et je traversais une large bande blanche : un passage protégé par une couche de neige que je piétinais le premier. Sous mes semelles, le croumf céréalier se fit à nouveau entendre.
Xavier-Pol
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